L'identité
Sexe : Masculin
Langue parlée :
Date de naissance : 21 mai 1982
Profession : étudiant
Localisation actuelle : décédé le 15 juillet 2008
Situation familiale : Partenaire et fiancé d'Ibrahim Can
La présentation complète
Ahmet Yıldız a été abattu le 15 juillet 2008. Beaucoup parmi les militants des droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) considèrent ce meurtre comme un «crime d'honneur» lié à son homosexualité. Cette affaire symbolise l'échec des autorités turques à réagir à la violence visant les LGBT.
Le jour de ce meurtre, Ahmet et son partenaire et fiancé, Ibrahim Can, se trouvaient dans la maison que ces deux hommes partageaient à Üsküdar, un quartier dans la partie asiatique d’Istanbul. Ahmet a quitté son appartement pour aller acheter de la glace. Il est descendu là où se trouvait sa voiture qui était garée dans la rue. Entendant des coups de feu, Ibrahim a couru en bas et a découvert qu’Ahmet avait été abattu. Comme c’est le cas dans d’autres «crimes d’honneur» présumés, la famille n’est pas allée chercher le corps pour l’enterrer. L'unique suspect de ce meurtre, le père de la victime, n’a toujours pas été appréhendé par la police.
Ibrahim a dit à Amnesty International que, dans les mois qui ont précédé ce meurtre, Ahmet avait reçu des menaces violentes de la part de ses proches, notamment de son père. Ahmet s’est rendu au bureau du procureur d’Üsküdar en octobre 2007 et a déposé plainte pénale contre sa famille, en demandant une protection.
Après le meurtre, on a appris que la plainte d’Ahmet n’avait, en réalité, donné lieu à aucune enquête ; le procureur s’était contenté de transférer cette plainte à un autre service aux motifs qu’elle relevait de la compétence du district voisin d’Ümraniye. En novembre 2007, le procureur d’Ümraniye a conclu qu’il n’y avait pas d’éléments justifiant l’ouverture d’une enquête pénale, en se fondant sur le fait qu’il n’existait pas d’éléments de preuve si ce n’est des «allégations abstraites ». Il y a de fortes raisons de croire que ni Ahmet ni les membres de sa famille n’ont été interrogés au sujet de cette plainte, ce qui aurait été nécessaire avant de décider de l’opportunité de l’ouverture d’une enquête pénale. Les militants LGBT et les défenseurs des droits humains en Turquie considèrent que la décision des autorités de ne pas donner suite à la plainte d’Ahmet Yıldız est révélatrice de leur réticence à s’opposer à la violence homophobe.
Les événements qui ont suivi le meurtre ajoutent foi à cette impression. İbrahim Can a déclaré à Amnesty International que l'enquête pénale n'avait pas été effectuée sérieusement. Parmi les aspects n'ayant apparemment pas fait l'objet d'investigations figurent les menaces proférées par des membres de la famille d’Ahmet dans les mois qui ont précédé son meurtre, la présence, sur les lieux du crime, d’une deuxième voiture qui appartiendrait à un ami du père d’Ahmet et les circonstances d'une attaque contre les biens d'un témoin perpétrée plusieurs semaines après les faits. Le père d’Ahmet a finalement été identifié comme un suspect en octobre 2008, lorsqu’un mandat d’arrêt a été délivré à son encontre – quelque trois mois après le meurtre. À ce moment-là, son père était devenu introuvable et, selon des relevés téléphoniques, il avait sans doute fui en Irak.
Le procès n'a pas non plus répondu aux craintes que justice ne soit pas rendue. Bien que les audiences soient publiques, les juges ont initialement refusé que les militants LGBT y assistent. De plus, ce n'est qu'après la désignation d'un nouveau juge, lors de la sixième audience qui s'est tenue le 14 mars 2011, près de trois ans après le meurtre, qu'un mandat d'arrêt international a été délivré contre le père d'Ahmet Yıldız, seul suspect dans cette affaire. En outre, ce n’est qu’au cours de cette même audience que le tribunal a ordonné pour la première fois une enquête sur le fait que les autorités n’avaient pas ouvert d’enquête sur les menaces proférées par la famille d'Ahmet Yıldız avant sa mort. Selon l’avocat qui suit cette affaire, en juin 2012, cette enquête n’avait pas encore été effectuée.
Les autorités responsables de l’enquête n’ont pas enquêté de manière efficace sur le meurtre d’Ahmet ; elles n’ont pas examiné tous les éléments de preuve disponibles et, surtout, elles ont retardé la délivrance d’un mandat d’arrêt contre son père en dépit d’éléments de preuve qui semblaient a priori impliquer celui-ci dans le meurtre. En juillet 2012, le père d’Ahmet n’avait toujours pas été appréhendé.
Les informations générales
En dépit des longues campagnes menées par les organisations de défense des LGBT, il n'existe dans le droit national turc, aucun dispositif explicite de protection du droit à ne pas subir de discrimination motivée par l'orientation sexuelle et l'identité de genre. En réalité, certaines dispositions du droit pénal et civil sont souvent appliquées par le système judiciaire de manière discriminatoire (par exemple la loi relative aux délits et le Code de la route sont utilisés pour harceler des femmes transgenres ; le Code du travail est utilisé pour licencier des personnes LGBT ; la loi relative aux fonctionnaires est utilisée pour renvoyer des personnes travaillant dans la fonction publique au motif de leur orientation sexuelle ou leur identité de genre). Des hommes et des femmes politiques importants et des représentants du gouvernement ont non seulement rejeté les revendications des LGBT en matière d'égalité, mais ils ont aussi fait des déclarations explicitement homophobes de nature à encourager la discrimination à leur encontre.
Sur le plan international, les autorités turques ont, dans la même logique, rejeté les recommandations les exhortant à modifier leurs dispositions antidiscrimination, et ont refusé d'adhérer à des résolutions demandant des protections pour les droits des LGBT. La Turquie est ainsi l'un des États membres du Conseil de l'Europe qui n'ont pas ratifié le Protocole n° 12 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui renferme une disposition séparée sur la non-discrimination.
Les crimes contre des personnes LGBT sont souvent signalés dans les médias et dénoncés par les organisations de défense des droits des LGBT. Pourtant, aucune statistique officielle relative à ces crimes n'est disponible, alors que, pour la seule année 2010, des associations LGBT ont recensé 16 meurtres dont les victimes auraient été tuées en raison de leur orientation sexuelle réelle ou supposée ou de leur identité de genre.
Des crimes violents à l’encontre de membres de la communauté LGBT continuent d'être signalés. C'est ainsi que, le 7 mars 2011, un site Internet d’informations au niveau national a rapporté un meurtre sous le titre «Elle entretenait une relation lesbienne, je l'ai tuée» à propos d'un homme vivant dans la ville de Gaziantep qui aurait abattu son ex-amie âgée de 21 ans . Quinze jours plus tard, la presse a signalé la découverte du corps d'une femme transgenre à İzmir. Selon l'article, il avait été retrouvé dans un terrain vague, décapité et démembré.
Les associations LGBT ou les partenaires des victimes sont très rarement informés des mesures prises dans le cadre des enquêtes menées sur ce type de crimes. Par ailleurs, on ne dispose pas de statistiques officielles sur les crimes présumés haineux. Du fait de l’homophobie et de la transphobie systémiques dont font preuve les agents chargés de l’application des lois, les victimes de crimes haineux signalent rarement ces agressions. Par conséquent, les militants des droits des LGBT estiment que les crimes commis contre des personnes, du fait de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, sont beaucoup plus nombreux que ceux sur lesquels il est possible de recueillir des informations.
Il n'est pas possible d'établir une motivation haineuse s'agissant de crimes rapportés uniquement par les médias. Toutefois, des militants soulignent que la manière dont beaucoup de victimes ont été tuées indique une motivation de haine. Il arrive que les aveux des auteurs laissent à penser que les meurtres et autres actes de violence contre des personnes ayant une orientation sexuelle ou une identité de genre différentes sont motivés par la haine. Dans d'autres cas d'actes de violence qui auraient pour motif la haine, les victimes ont évoqué le langage homophobe ou transphobe utilisé par leurs agresseurs ou le fait que l'auteur présumé aurait utilisé des informations sur l'identité de la victime pour justifier son crime. Toutefois, du fait des lacunes dans les investigations et les poursuites pour ces crimes, les responsables ne sont bien souvent pas traduits en justice.
Des militants des droits des LGBT ont déclaré à Amnesty International que ces personnes risquent plus que d'autres d'être victimes de violences familiales en raison de leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. En effet, elles n'ont pas accès aux mécanismes de protection - même lorsque ceux-ci existent - du fait des attitudes homophobes ou transphobes des personnes travaillant au sein de ces organes. À plusieurs reprises, l'organisation a été informée de cas où des personnes ont, semble-t-il, été prises pour cibles par des criminels en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Les victimes de ces actes ne dénoncent pas le crime à la police ou, si elles le font, les auteurs ne sont pas traduits en justice à cause de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre présumée de la victime.
En ce qui concerne les 16 meurtres présumés haineux recensés par des associations LGBT en Turquie au cours de l’année 2010, neuf des victimes étaient des hommes gays et six des femmes transgenres. Dans un des cas, la victime était un homme hétérosexuel apparemment perçu comme gay. Cet homme avait été précédemment l'objet d'insultes homophobes proférées par ses meurtriers présumés.
Plusieurs caractéristiques se dégagent de ces cas. Dans tous les cas de meurtres de gays sauf un, les auteurs présumés auraient affirmé que la victime avait sollicité ou initié un acte sexuel. Dans deux cas, ils auraient déclaré aux autorités chargées de l'enquête que la victime avait tenté de les violer. Trois meurtres de gays ont également été accompagnés de violences extrêmes – dans un cas, de 29 coups de couteau, et, dans un autre, du démembrement du corps. Dans un autre cas, des éléments démontraient que la victime avait eu les poignets et les chevilles attachés derrière le dos avant d'être tuée.
Selon des articles de presse, dans le cas de l’homme gay qui a reçu 29 coups de couteau, l’'auteur présumé a dit au tribunal que la victime lui avait proposé d’avoir des relations sexuelles la nuit du meurtre et que, de ce fait, il l’avait attaquée et tuée. Le tribunal a accepté la thèse de la provocation injustifiée et a réduit sa peine à treize ans et quatre mois d’emprisonnement. Dans une autre affaire, l’auteur du crime a été condamné pour meurtre à une peine de réclusion à perpétuité ainsi qu’à une peine de onze ans et huit mois pour vol. En ce qui concerne les autres meurtres, les informations relatives aux enquêtes ou aux poursuites judiciaires n’étaient pas disponibles au moment de la préparation de ce dossier action. Le procès des personnes soupçonnées dans l’affaire de l’homme hétérosexuel qui a été perçu comme gay se poursuivait en juin 2012.
Sur les six meurtres de femmes transgenres recensés en 2010, des actes de violence extrême ont été constatés dans deux cas. Dans le premier, la victime a reçu 44 coups de couteau ; dans le second, la victime a été poignardée à plusieurs reprises et des blessures lui ont été infligées après sa mort : elle a notamment été violée et on lui a tranché son organe sexuel. Un message indiquant «d'autres travestis seront tués» aurait été laissé sur le lieu du crime.
Selon les informations diffusées par les médias, dans le cas de la femme transgenre qui a reçu 44 coups de couteau et qui a été éventrée de la gorge jusqu’au ventre en septembre 2010, le suspect a été condamné à une peine de vingt-huit ans et quatre mois d’emprisonnement en avril 2011. Le procès de l’affaire de la femme transgenre tuée à Izmir en avril 2010 est en cours et la demande déposée par l’organisation de défense des droits des personnes LGBT, Black Pink Triangle, d’être partie civile au procès a été accordée par le tribunal en mars 2012.
En 2011, les groupes de défense des droits LGBT ont recensé huit meurtres qui auraient été perpétrés en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre de la victime. Entre janvier et juillet 2012, on a compté au moins quatre meurtres de femmes transgenre et un meurtre d’un homme gay. Dans les cas relatifs à des attaques contre des personnes LGBT, il est fréquent que les enquêtes et les poursuites judiciaires soient menées de manière déficiente et que l’argument de défense relatif à la «provocation injustifiée» soit retenu. Au cours de sa recherche, des personnes LGBT ont dit à Amnesty International qu'elles ne sollicitaient pas une protection des autorités en cas de menaces de violences et qu'elles ne dénonçaient pas les violences car elles pensaient que les autorités ne les aideraient pas du fait de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.
Sexe : Masculin
Langue parlée :
Date de naissance : 21 mai 1982
Profession : étudiant
Localisation actuelle : décédé le 15 juillet 2008
Situation familiale : Partenaire et fiancé d'Ibrahim Can
La présentation complète
Ahmet Yıldız a été abattu le 15 juillet 2008. Beaucoup parmi les militants des droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) considèrent ce meurtre comme un «crime d'honneur» lié à son homosexualité. Cette affaire symbolise l'échec des autorités turques à réagir à la violence visant les LGBT.
Le jour de ce meurtre, Ahmet et son partenaire et fiancé, Ibrahim Can, se trouvaient dans la maison que ces deux hommes partageaient à Üsküdar, un quartier dans la partie asiatique d’Istanbul. Ahmet a quitté son appartement pour aller acheter de la glace. Il est descendu là où se trouvait sa voiture qui était garée dans la rue. Entendant des coups de feu, Ibrahim a couru en bas et a découvert qu’Ahmet avait été abattu. Comme c’est le cas dans d’autres «crimes d’honneur» présumés, la famille n’est pas allée chercher le corps pour l’enterrer. L'unique suspect de ce meurtre, le père de la victime, n’a toujours pas été appréhendé par la police.
Ibrahim a dit à Amnesty International que, dans les mois qui ont précédé ce meurtre, Ahmet avait reçu des menaces violentes de la part de ses proches, notamment de son père. Ahmet s’est rendu au bureau du procureur d’Üsküdar en octobre 2007 et a déposé plainte pénale contre sa famille, en demandant une protection.
Après le meurtre, on a appris que la plainte d’Ahmet n’avait, en réalité, donné lieu à aucune enquête ; le procureur s’était contenté de transférer cette plainte à un autre service aux motifs qu’elle relevait de la compétence du district voisin d’Ümraniye. En novembre 2007, le procureur d’Ümraniye a conclu qu’il n’y avait pas d’éléments justifiant l’ouverture d’une enquête pénale, en se fondant sur le fait qu’il n’existait pas d’éléments de preuve si ce n’est des «allégations abstraites ». Il y a de fortes raisons de croire que ni Ahmet ni les membres de sa famille n’ont été interrogés au sujet de cette plainte, ce qui aurait été nécessaire avant de décider de l’opportunité de l’ouverture d’une enquête pénale. Les militants LGBT et les défenseurs des droits humains en Turquie considèrent que la décision des autorités de ne pas donner suite à la plainte d’Ahmet Yıldız est révélatrice de leur réticence à s’opposer à la violence homophobe.
Les événements qui ont suivi le meurtre ajoutent foi à cette impression. İbrahim Can a déclaré à Amnesty International que l'enquête pénale n'avait pas été effectuée sérieusement. Parmi les aspects n'ayant apparemment pas fait l'objet d'investigations figurent les menaces proférées par des membres de la famille d’Ahmet dans les mois qui ont précédé son meurtre, la présence, sur les lieux du crime, d’une deuxième voiture qui appartiendrait à un ami du père d’Ahmet et les circonstances d'une attaque contre les biens d'un témoin perpétrée plusieurs semaines après les faits. Le père d’Ahmet a finalement été identifié comme un suspect en octobre 2008, lorsqu’un mandat d’arrêt a été délivré à son encontre – quelque trois mois après le meurtre. À ce moment-là, son père était devenu introuvable et, selon des relevés téléphoniques, il avait sans doute fui en Irak.
Le procès n'a pas non plus répondu aux craintes que justice ne soit pas rendue. Bien que les audiences soient publiques, les juges ont initialement refusé que les militants LGBT y assistent. De plus, ce n'est qu'après la désignation d'un nouveau juge, lors de la sixième audience qui s'est tenue le 14 mars 2011, près de trois ans après le meurtre, qu'un mandat d'arrêt international a été délivré contre le père d'Ahmet Yıldız, seul suspect dans cette affaire. En outre, ce n’est qu’au cours de cette même audience que le tribunal a ordonné pour la première fois une enquête sur le fait que les autorités n’avaient pas ouvert d’enquête sur les menaces proférées par la famille d'Ahmet Yıldız avant sa mort. Selon l’avocat qui suit cette affaire, en juin 2012, cette enquête n’avait pas encore été effectuée.
Les autorités responsables de l’enquête n’ont pas enquêté de manière efficace sur le meurtre d’Ahmet ; elles n’ont pas examiné tous les éléments de preuve disponibles et, surtout, elles ont retardé la délivrance d’un mandat d’arrêt contre son père en dépit d’éléments de preuve qui semblaient a priori impliquer celui-ci dans le meurtre. En juillet 2012, le père d’Ahmet n’avait toujours pas été appréhendé.
Les informations générales
En dépit des longues campagnes menées par les organisations de défense des LGBT, il n'existe dans le droit national turc, aucun dispositif explicite de protection du droit à ne pas subir de discrimination motivée par l'orientation sexuelle et l'identité de genre. En réalité, certaines dispositions du droit pénal et civil sont souvent appliquées par le système judiciaire de manière discriminatoire (par exemple la loi relative aux délits et le Code de la route sont utilisés pour harceler des femmes transgenres ; le Code du travail est utilisé pour licencier des personnes LGBT ; la loi relative aux fonctionnaires est utilisée pour renvoyer des personnes travaillant dans la fonction publique au motif de leur orientation sexuelle ou leur identité de genre). Des hommes et des femmes politiques importants et des représentants du gouvernement ont non seulement rejeté les revendications des LGBT en matière d'égalité, mais ils ont aussi fait des déclarations explicitement homophobes de nature à encourager la discrimination à leur encontre.
Sur le plan international, les autorités turques ont, dans la même logique, rejeté les recommandations les exhortant à modifier leurs dispositions antidiscrimination, et ont refusé d'adhérer à des résolutions demandant des protections pour les droits des LGBT. La Turquie est ainsi l'un des États membres du Conseil de l'Europe qui n'ont pas ratifié le Protocole n° 12 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui renferme une disposition séparée sur la non-discrimination.
Les crimes contre des personnes LGBT sont souvent signalés dans les médias et dénoncés par les organisations de défense des droits des LGBT. Pourtant, aucune statistique officielle relative à ces crimes n'est disponible, alors que, pour la seule année 2010, des associations LGBT ont recensé 16 meurtres dont les victimes auraient été tuées en raison de leur orientation sexuelle réelle ou supposée ou de leur identité de genre.
Des crimes violents à l’encontre de membres de la communauté LGBT continuent d'être signalés. C'est ainsi que, le 7 mars 2011, un site Internet d’informations au niveau national a rapporté un meurtre sous le titre «Elle entretenait une relation lesbienne, je l'ai tuée» à propos d'un homme vivant dans la ville de Gaziantep qui aurait abattu son ex-amie âgée de 21 ans . Quinze jours plus tard, la presse a signalé la découverte du corps d'une femme transgenre à İzmir. Selon l'article, il avait été retrouvé dans un terrain vague, décapité et démembré.
Les associations LGBT ou les partenaires des victimes sont très rarement informés des mesures prises dans le cadre des enquêtes menées sur ce type de crimes. Par ailleurs, on ne dispose pas de statistiques officielles sur les crimes présumés haineux. Du fait de l’homophobie et de la transphobie systémiques dont font preuve les agents chargés de l’application des lois, les victimes de crimes haineux signalent rarement ces agressions. Par conséquent, les militants des droits des LGBT estiment que les crimes commis contre des personnes, du fait de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, sont beaucoup plus nombreux que ceux sur lesquels il est possible de recueillir des informations.
Il n'est pas possible d'établir une motivation haineuse s'agissant de crimes rapportés uniquement par les médias. Toutefois, des militants soulignent que la manière dont beaucoup de victimes ont été tuées indique une motivation de haine. Il arrive que les aveux des auteurs laissent à penser que les meurtres et autres actes de violence contre des personnes ayant une orientation sexuelle ou une identité de genre différentes sont motivés par la haine. Dans d'autres cas d'actes de violence qui auraient pour motif la haine, les victimes ont évoqué le langage homophobe ou transphobe utilisé par leurs agresseurs ou le fait que l'auteur présumé aurait utilisé des informations sur l'identité de la victime pour justifier son crime. Toutefois, du fait des lacunes dans les investigations et les poursuites pour ces crimes, les responsables ne sont bien souvent pas traduits en justice.
Des militants des droits des LGBT ont déclaré à Amnesty International que ces personnes risquent plus que d'autres d'être victimes de violences familiales en raison de leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. En effet, elles n'ont pas accès aux mécanismes de protection - même lorsque ceux-ci existent - du fait des attitudes homophobes ou transphobes des personnes travaillant au sein de ces organes. À plusieurs reprises, l'organisation a été informée de cas où des personnes ont, semble-t-il, été prises pour cibles par des criminels en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Les victimes de ces actes ne dénoncent pas le crime à la police ou, si elles le font, les auteurs ne sont pas traduits en justice à cause de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre présumée de la victime.
En ce qui concerne les 16 meurtres présumés haineux recensés par des associations LGBT en Turquie au cours de l’année 2010, neuf des victimes étaient des hommes gays et six des femmes transgenres. Dans un des cas, la victime était un homme hétérosexuel apparemment perçu comme gay. Cet homme avait été précédemment l'objet d'insultes homophobes proférées par ses meurtriers présumés.
Plusieurs caractéristiques se dégagent de ces cas. Dans tous les cas de meurtres de gays sauf un, les auteurs présumés auraient affirmé que la victime avait sollicité ou initié un acte sexuel. Dans deux cas, ils auraient déclaré aux autorités chargées de l'enquête que la victime avait tenté de les violer. Trois meurtres de gays ont également été accompagnés de violences extrêmes – dans un cas, de 29 coups de couteau, et, dans un autre, du démembrement du corps. Dans un autre cas, des éléments démontraient que la victime avait eu les poignets et les chevilles attachés derrière le dos avant d'être tuée.
Selon des articles de presse, dans le cas de l’homme gay qui a reçu 29 coups de couteau, l’'auteur présumé a dit au tribunal que la victime lui avait proposé d’avoir des relations sexuelles la nuit du meurtre et que, de ce fait, il l’avait attaquée et tuée. Le tribunal a accepté la thèse de la provocation injustifiée et a réduit sa peine à treize ans et quatre mois d’emprisonnement. Dans une autre affaire, l’auteur du crime a été condamné pour meurtre à une peine de réclusion à perpétuité ainsi qu’à une peine de onze ans et huit mois pour vol. En ce qui concerne les autres meurtres, les informations relatives aux enquêtes ou aux poursuites judiciaires n’étaient pas disponibles au moment de la préparation de ce dossier action. Le procès des personnes soupçonnées dans l’affaire de l’homme hétérosexuel qui a été perçu comme gay se poursuivait en juin 2012.
Sur les six meurtres de femmes transgenres recensés en 2010, des actes de violence extrême ont été constatés dans deux cas. Dans le premier, la victime a reçu 44 coups de couteau ; dans le second, la victime a été poignardée à plusieurs reprises et des blessures lui ont été infligées après sa mort : elle a notamment été violée et on lui a tranché son organe sexuel. Un message indiquant «d'autres travestis seront tués» aurait été laissé sur le lieu du crime.
Selon les informations diffusées par les médias, dans le cas de la femme transgenre qui a reçu 44 coups de couteau et qui a été éventrée de la gorge jusqu’au ventre en septembre 2010, le suspect a été condamné à une peine de vingt-huit ans et quatre mois d’emprisonnement en avril 2011. Le procès de l’affaire de la femme transgenre tuée à Izmir en avril 2010 est en cours et la demande déposée par l’organisation de défense des droits des personnes LGBT, Black Pink Triangle, d’être partie civile au procès a été accordée par le tribunal en mars 2012.
En 2011, les groupes de défense des droits LGBT ont recensé huit meurtres qui auraient été perpétrés en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre de la victime. Entre janvier et juillet 2012, on a compté au moins quatre meurtres de femmes transgenre et un meurtre d’un homme gay. Dans les cas relatifs à des attaques contre des personnes LGBT, il est fréquent que les enquêtes et les poursuites judiciaires soient menées de manière déficiente et que l’argument de défense relatif à la «provocation injustifiée» soit retenu. Au cours de sa recherche, des personnes LGBT ont dit à Amnesty International qu'elles ne sollicitaient pas une protection des autorités en cas de menaces de violences et qu'elles ne dénonçaient pas les violences car elles pensaient que les autorités ne les aideraient pas du fait de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.